Comme chacun le sait, l’arrivée du printemps est accueillie au Japon avec une grande ferveur, qui se cristallise autour des sakuras. A l’instar de ces fameux cerisiers ornementaux, le pays se couvre alors de fleurs, dans tous les sens du terme. Symboles du caractère éphémère des choses, leur célébration revêt cette année pour les raisons que l’on imagine, une importance toute particulière…
Sakura : faire la fête sous les cerisiers
Le fleurissement, ayant concrètement lieu à la fin mars, commence dès février dans les esprit et sur toutes sortes de supports : affiches publicitaires, panneaux de signalisation, emballages,… Y compris les cannettes de highball et autres bières : comme celle ci-dessus, trouvée la semaine dernière dans le cimetière d’Aoyama. Une trouvaille un brin mortifiante, mais qui du point de vue japonais, ne l’est pas tant que cela. En effet, avec ses allées bordées de vieux cerisiers aux troncs noueux, ce cimetière est un haut-lieu de hanami, cette activité consistant à aller admirer les fleurs. Or celle-ci s’exerce en famille, entre amis mais aussi collègues, à grand renfort de kanpai. La pratique est même tellement institutionnalisée que certaines entreprises n’hésitent pas à envoyer tôt le matin des employés sur place, pour réserver les meilleurs emplacements sous les cerisiers ! Comme quoi, si les Japonais ont moins de vacances que les Français, ils savent néanmoins plutôt bien égayer leurs journées de travail…
Anatomie du mochi
Le mochi est un gâteau de riz dégusté dans des plats salés comme sucrés. C’est toutefois dans cette dernière version qu’il est le plus consommé : notamment sous forme de boulettes en brochettes (dango), ou encore de daifuku, boules fourrées le plus souvent d’anko, pâte d’azuki. Il existe aussi le « kiri-mochi », une pâte de riz gluant séchée et vendue en morceaux que l’on fait griller avant de napper d’une sauce de soja sucrée (lire à son sujet cet excellent article de O-cha to wagashi). On réalise les mochis à partir de farines de riz variées : shiratama-ko (très fine, utilisée pour les daifuku), ou encore le domyo-jiko, que l’on utilise dans cette recette et qui a l’allure de petits cristaux (illustration).
Feuilles de cerisier, une recette pour les préparer
Il existe principalement deux sortes de sakura mochi, l’un est en forme de petites crêpes roulées, l’autre est une boule rose d’allure grumeleuse. C’est ce dernier que j’ai préparé, une spécialité du Kansai-fu, l’ouest du Japon. Tous deux sont fourrés à l’anko, pâte d’azuki, et enrobés d’une sakura-no-ha, vraie feuille de cerisier comestible. Très odorante, avec un goût floral et légèrement salé, elle se déguste avec le mochi qu’elle enveloppe. Une expérience hors norme, qui laisse sur votre langue un souvenir indélébile.
On trouve facilement au Japon des feuilles préparées, en France en revanche, c’est sans doute une autre paire de manche. Vous avez de la chance : ma professeur de japonais qui se trouve être un vrai cordon bleu, m’a donné une recette pour les préparer maison. Je vous la livre sans l’avoir encore testée, pour celle qui ne peuvent attendre.
Je vous donne également une recette d’anko, pâte d’azukis sucrée (illustré ci-dessous), facile à réaliser chez soi, avec ou sans robot. Selon la finesse de la purée obtenue, on obtiendra du tsubuan (avec des morceaux) ou du koshian (pâte lisse).
Feuilles de cerisier pour mochi
Pour une 20taine de feuilles
– 15 jeunes feuilles de cerisier bien tendres
– sel, correspondant à 20 % du poids total des feuilles
– 50ccl d’eau tiède additionnée de 10g de sel
Laver les feuilles de cerisier, remplir une jatte d’eau bien froide avec des glaçons. Disposer dans une autre jatte les feuilles, et les recouvrir d’eau bouillante. Egoutter sans attendre et plonger dans l’eau glaçée. Egoutter puis essuyer. Verser au fond d’un bac la moitié du sel, disposer les feuilles de cerisier pliées en deux dans le sens de la longueur saupoudrer du reste du sel. Verser par-dessus l’eau tiède salée, recouvrir d’un film et empeser à l’aide par exemple de 2 sacs plastiques remplis chacun d’eau. Laisser macérer 2 à 3 jours selon la tendreté des feuilles.
Diviser en portions, et conditionner dans des sacs hermétiques. Se conserve au réfrigérateur pendant une année, se congèle également.
Anko
Pour environ 450g d’anko
– 150g d’azukis (préférer ceux de petit calibre, plus tendres)
– 100g de sucre
– 1 pincée de sel (3g)
Dans une cocotte, verser les azukis et recouvrir largement d’eau froide, mettre sur feu moyen-doux et faire chauffer environ 10 minutes jusqu’à ce que l’eau frémisse, puis égoutter. Dans une nouvelle eau froide, faire cuire à couvert sur feu doux les azukis jusqu’à ce qu’ils soient bien tendres : il doivent s’écraser très facilement entre les doigts (environ 35-40 minutes). Dans une jatte, mélanger sucre, azukis, écraser en purée au mixer ou à la fourchette. Remettre à cuire sur feu doux 10 à 20 minutes pour obtenir une pâte bien compacte. Ajouter la pincée de sel et mélanger : c’est prêt ! Se conserve au frais et se congèle.
Sakura mochi
Pour 15 mochis
– 15 feuilles de Sakura no ha no shio-saké (achetées ou préparées selon la recette ci-dessus)
– 200g de farine de riz type domyo-jiko
– 250ml d’eau tiède (environ 25°C)
– colorant rouge
– sucre (40g)
– 225g de koshian
pour le sirop :
– 20cl d’eau
– 30g de sucre
Diluer dans l’eau tiède un peu de colorant pour obtenir une teinte rose pâle. Verser le domyo-jiko, mélanger et couvrir d’un film 20 minutes. Pendant ce temps, faire tremper les feuilles de cerisier dans de l’eau, puis les sécher à l’aide d’un torchon et les équeuter ras la feuille. Façonner 15 boulettes avec l’anko, d’un poids équivalent à 15g.
Cuire le domyo-jiko à la vapeur : disposer au fond du panier vapeur du papier sulfurisé ou un torchon, verser le domyo-jiko. Enrober le couvercle d’un torchon pour éviter que des gouttes d’eau ne tombent, couvrir et faire cuire 20 minutes. Pendant ce temps, réaliser le sirop : dans une casserole, mélanger sucre et eau, porter à ébullition et réserver. Verser le domyo-jiko cuit à la vapeur dans une jatte et mélanger au sucre, puis former 15 boules de pâte.
Pour réaliser le mochi, enduire ses mains de sirop, et former un disque de la largeur de la paume. Disposer au centre une boule d’anko, et refermer en pinçant les bords et lissant du doigt. Envelopper le tout d’une feuille de cerisier.
Se conserve au frais, mieux que les daifukus grâce à son enrobage de sirop, pendant 2 à 3 jours.
Bonne fête du printemps !

Roh mais quel article délicieux tu nous as concocté là ! Je ne savais pas du tout que les feuilles de cerisiers étaient comestibles, est-ce seulement pour cette variété ?
J’ai trouvé une fois de l’anko et j’en suis tombée follement amoureuse, malheureusement depuis plus d’un an impossible de remettre la main dessus. Mais je ne désespère pas, c’est tellement bon !
Merci pour ces douces recettes, j’ai ben hâte de les tester =)
Eh oui, les feuilles de cerisier, c’est comestible ! Il existe toutefois de nombreuses variétés, donc il vaut mieux se renseigner avant de les préparer…
Sur Nishikidori Market, vous trouverez ce que vous cherchez…et plus encore ;-)
Effectivement, c’est le lieu rêvé pour tout foodista nippon ! La dernière fois que j’y ai été, je suis repartie avec une râpe à wasabi et un couteau spécial sashimi *w*
Très jolie recette, vraiment printanière. Je n’ai jamais osé me lancer dans cette préparation (sans parler du « problème » feuille de cerisier). Mais ta jolie présentation me donne bien envie.
Il faut juste passer le cap ! En plus c’est une recette 100% sans gluten…
Voici une belle invitation à entrer dans le printemps. Je me laisse guider avec plaisir et curiosité dans cette préparation si délicate qui , si j’ai bien compris, associe le sucré et le salé. Maintenant je sais aussi qu’une de mes occupations favorites porte un nom : hanami… Cela me laisse songeuse, c’est vrai que sur notre continent, qui aurait eu l’idée de nommer le temps de la contemplation… ? Belle journée Mathilda et un grand merci pour tes billets tjs poétiques ! Françoise
Exactement, c’est salé-sucré et très doux à la fois. Belle journée à toi aussi chère Françoise !
Superbe article !! C’est parfait car justement je voulais faire mes feuilles moi-meme. Mais ce sont des varietés spéciales de cerisier non ? En France je ne sais pas trop quoi utiliser. Si tu as de bons conseils sur le choix des feuilles , je prends !
En fait, il existe tant de variétés différentes qu’il est difficile de dire. Le mieux est de se renseigner auprès de son pharmacien ou autre personne compétente. Ayant moi-même un cerisier chez moi en Mayenne, je vais enquêter aussitôt arrivée – soit des avril prochain. Tenons nous au courant !
Des que j’en sais plus je te le dirai aussi. j’ai des cerisiers chez moi je porterai demanderai a des personnes compétentes. Merci !
entendu !
Bonjour Mathilda, je suis sur le point de faire l’anko et j’aimerais savoir si quand tu dis « faire cuire à feux doux » pour la première cuisson, l’eau arrive à ébullition à un moment ou à un autre? Car 10mn c’est assez court pour que l’eau froide se mette à bouillir.
Donc dois-je compter 10mn à partir du moment où l’eau commence à vraiment chauffer ou est-ce vraiment 10mn à partir du moment où l’on met la casserole sur le feu? (et dans ce cas on leur donne un simple bain tiède?)
J’espère que ma question est compréhensible! ;)
Bonjour Amélie, tu fais bien d’attirer mon attention sur ce détail de la recette. Il s’agit effectivement juste de faire précuire les azukis, j’ai modifié le « feu doux » pour feu « moyen-doux » et précisés « jusqu’à ce que l’eau frémisse ». Je te souhaite une bonne réalisation, c’est drôle, je compte moi-même réaliser cet après-midi une nouvelle sorte de daifukus !
Votre recette donne envie ! J’ai goûté des mochi à la pâte d azuki et quel bonheur ! Mais où trouver cette farine de riz ?
On la trouve essentiellement dans les épiceries japonaises voire asiatiques, souvent sous le nom de domyo-jiko, mais je ne te cache pas que ce n’est pas facile de mettre la main dessus. Sinon, tu peux la remplacer par du shiratamako, plus facile à trouver, en suivant les indications de cette autre recette de daifukus au matcha, en remplaçant le matcha par du colorant alimentaire rouge pour donner la couleur rosée.
Je passe a quelle heure pour la dégustation ? :-)
:)
Oh et bien on attend le résultat avec impatience!!!
Une autre et dernière question: faut-il garder l’eau de cuisson des azukis? Car dans mon cas si je n’avais pas conservé l’eau de cuisson cela aurait était vraiment impossible d’obtenir une purée…ai-je bien fait? Le résulta me parait correcte maintenant.
Merci pour tout!
Ah non, moi je ne garde pas l’eau de cuisson. Mais tout dépend peut-être des azukis : il en existe de tailles très différentes, si les tiens sont du genre petit, probablement faut-il en effet garder un peu d’eau de cuisson.
Anko in process :-) Une petite question: fais-tu tremper les haricots une nuit avant de les préparer? Moi c’est ce que j’ai fait, j’espère que ça ne va pas gâcher…
Merci Mathilda pour ta recette, cette purée de haricots me servira de base pour faire une pâte chocolatée..
Aucun problème le trempage, ça permettra juste de réduire le temps de cuisson des haricots. Une pâte chocolatée, miam quelle bonne idée, tiens moi au courant…
En effet le trempage n’a posé aucun problème (j’ai juste eu l’impression que mes haricots étaient un peu plus « palots » :-)
Pour la pâte chocolatée, je me suis inspirée de la recette très simple publiée par Anne et Alex (avec des haricots, dates, pâte de noisette, lait de soja et choco) : http://www.lesbonheurs.fr/2013/03/la-recette-de-notre-placard-1-pate.html
Très bonne ! Selon les goûts, ne pas hésiter à réajuster la quantité de dattes et de lait. La prochaine fois, je mettrai un peu plus de dattes (cela peut dépendre de la variété utilisée aussi…) et un peu plus de lait (pour une pâte moins consistante). En tout cas, des 2 pots de confitures remplis hier, il en reste aujourd’hui plus qu’une petite moitié dans 1…. toute bonne chose a une fin on dit?! pfffffff
Mmmmh, ça a l’air trop bon et c’est trop mignon!!
Merci Joséphine
bonjour, je suis enchanté par les recettes japonaises que tu as publié. je vais enfin pouvoir faire ces recettes sans crainte. Une petite question: les fleurs de cerisiers sont utilisées pour faire certaines patisseries, en fleur ou en poudre de fleurs….et j’ai pu voir qu’il s’agit de cerisiers steriles, c’est a dire qui ne donnent pas de cerises. Tu as utilisé des feuilles de ce type de cerisier pour faire des feuilles maisons, ou des cerisiers de chez nous produisant des cerises ? Pour les fleurs, as-tu deja essayé une technique qui permets de les faire chez soi, je suppose salage , deshydratation et saumure … j’ai un deshydrateur et cela m’interresserai d’en faire un bocal, car la saison arrive a grand pas cette année ! De plus, dans ma campagne des Pyrénées, certains produits sont plutot rarissimes ! Merci pour ton aide!
Bonjour Divine, ravie que tu trouves de quoi t’inspirer. J’ai préparé mes feuilles de cerisier à partir des cerisiers de chez nous, plus précisément de celui de chez mes parents qui donne de bonne grosses cerises rouges sombres. Je ne te préconise pas ma méthode, mais voilà comment je m’y suis prise : comme j’avais entendu dire que certaines variétés seraient toxiques (et mon pharmacien ne m’a pas beaucoup aidé), j’ai mangé un petit bout de feuille après avoir briefé mon entourage et attendu de voir les éventuels effets néfastes : pas très prudente comme méthode, mais au moins on est vite fixé. En revanche, je n’ai pas cuisiné de fleur, mais je pense que tu peux leur faire subir à peu près le même traitement en les cueillant lorsqu’elles sont des boutons. Pour la déshydratation, pourquoi pas, tiens moi au courant !